L’intestin a une ligne directe pour transmettre ses états d’âme au cerveau.

L’intestin est la cible de l’heure pour comprendre et traiter plusieurs problèmes de santé allant de l’obésité à la dépression. Une nouvelle étude lève le voile sur l’un des mécanismes par lesquels l’intestin et le cerveau se parlent, ce qui pourrait modifier plusieurs approches thérapeutiques.

Un texte de Renaud Manuguerra-Gagné

Depuis quelques années, nous assistons à un renouveau en ce qui a trait à la perception de notre système digestif. Loin de simplement servir à traiter les aliments, notre intestin ainsi que les cellules nerveuses qui le contrôlent et le nombre incalculable de bactéries qu’il contient peuvent influencer notre santé, et même notre comportement, au point que l’on surnomme cet organe notre deuxième cerveau.

Jusqu’à maintenant, les chercheurs pensaient que le principal moyen employé par l’intestin pour communiquer avec le cerveau était les hormones, celles-ci pouvant prendre parfois jusqu’à une dizaine de minutes pour atteindre leur cible.

Des chercheurs de l’Université Duke, aux États-Unis, viennent toutefois de démontrer que cette communication est beaucoup plus rapide que prévu.

Leurs travaux montrent même que l’intestin se brancherait directement sur le système nerveux, transférant de l’information au cerveau en quelques secondes, une rapidité qui pourrait exercer une influence importante sur le développement de plusieurs maladies et sur leurs traitements.

Une autoroute de l’information

L’intestin contient des centaines de millions de cellules nerveuses qui forment le système nerveux entérique. Ce système, qui s’étend sur toute la longueur du système digestif, permet à l’intestin d’agir de façon autonome presque indépendamment du cerveau.

L’intestin est aussi tapissé de cellules sensorielles, nommées cellules entéro-endocrines, qui récupèrent des informations chimiques sur l’environnement intestinal et ses bactéries et relaient ces informations grâce à la production d’hormones.

Pour les chercheurs, cette méthode de communication, bien qu’importante, semblait trop lente pour produire plusieurs des effets observés. Ils ont donc décidé d’ajouter un peu de couleur à l’intestin pour voir si une autre méthode sortait du lot.

Ils se sont alors tournés vers un outil assez surprenant : un virus de la rage combiné à des molécules fluorescentes. Comme la rage est un virus qui se répand dans le corps en remontant le long des nerfs, les scientifiques espéraient que ce dernier révèle des trajectoires nerveuses inconnues entre l’intestin et le cerveau.

En l’inoculant à des souris, ils ont pu suivre le trajet du virus, d’abord capté par les cellules entéro-endocrines, puis illuminant sur son passage des cellules nerveuses jusqu’à ce qu’il rejoigne le nerf vague, l’un des plus longs nerfs du corps, dont les branches relient directement l’information en provenance de plusieurs organes jusqu’au cerveau.

En examinant ensuite les cellules nerveuses, les chercheurs ont remarqué que l’intestin pouvait envoyer de l’information sur son contenu en quelques dizaines de millisecondes, beaucoup plus rapidement que par la voie hormonale.

Ressentir avec ses tripes

Bien plus qu’une leçon d’anatomie, la découverte de cette connexion directe met en valeur d’autres travaux,  qui viennent tout juste de montrer comment la stimulation des neurones sensoriels dans l’intestin active directement le circuit de la récompense dans le cerveau, en y permettant la relâche de dopamine.

Pour les chercheurs, cette connexion rapide et ses conséquences sur le cerveau pourraient non seulement expliquer la sensation de bien-être quand on mange, mais aussi pourquoi un grand nombre de médicaments dits « coupe-faim » sont inefficaces, ces derniers ciblant principalement une voie hormonale.

Plus encore, des études montrent que des maladies neurologiques variées, comme la dépression ou la maladie d’Alzheimer, pourraient tirer leurs sources de l’état de santé de l’intestin.

Jusqu’à maintenant, plusieurs chercheurs ont mené des investigations à propos de ce lien en étudiant les hormones circulant de l’intestin au cerveau. La découverte de cette nouvelle connexion pourrait toutefois ouvrir de nouveaux champs d’études pour mieux comprendre ces maladies.

Les bienfaits de la méditation selon le neurologue belge Steven Laureys

Et si la méditation permettait de se sentir mieux ? C’est l’hypothèse posée par Steven Laureys, neurologue et professeur de clinique au département de neurologie du CHU de Liège. « Plutôt que de prendre des médicaments, des calmants ou de commencer à boire, c’est à travers le yoga que j’ai pu prendre conscience de cette petite voix intérieure », raconte sur le plateau du journal télévisé de 13h celui qui vient de publier un livre sur le sujet. Un entretien à découvrir en intégralité dans la vidéo ci-dessous.

Le médecin lauréat du prestigieux prix Francqui en 2017 l’assure : la méditation, « ce n’est pas quelque chose d’ésotérique, ça peut améliorer vos émotions, l’attention, et on le voit avec nos machines. […] On va le sentir subjectivement et les machines vont voir que notre cerveau, la matière grise, les connexions, le fonctionnement changent. Donc ça vaut la peine. »

Reste à trouver la méthode qui vous convient le mieux. Car définir la méditation, c’est comme essayer de définir « le sport », tempère Steven Laureys. Pour lui, cela peut commencer simplement par une attention portée à notre respiration. « Juste prendre une bonne inspiration permet de reconnecter. Focaliser sur sa respiration, c’est très simple et aussi puissant. On peut en avoir besoin dans un monde où on est sur-stimulé, stressé. »

Les étages du cerveau pour mieux comprendre les réactions émotionnelles des enfants…..

Daniel Siegel est un neuroscientifique spécialisé dans le cerveau des enfants. Il a conçu le modèle des étages du cerveau pour expliquer comment fonctionne le cerveau des enfants et permettre aux adultes de mieux les comprendre et les accompagner. Ce modèle peut être utile pour mieux comprendre les réactions émotionnelles des enfants à la maison ou en classe.

Ce modèle utilise une métaphore : le cerveau est comme une maison à 3 étages.

Le premier étage est la cave qui correspond au cerveau des réflexes ou cerveau dit reptilien (qui contrôle par exemple la pression artérielle, les battements du coeur ou encore la respiration). C’est cette partie du cerveau qui s’active quand on touche quelque chose de brûlant et qui nous commande le retrait de la main de la plaque chauffante.

Le deuxième étage est celui du rez de chaussée dans lequel est logé l’amygdale, centre des émotions. L’amygdale est en permanence en train de scanner l’environnement extérieur à la recherche de dangers et menaces potentielles. Quand l’amygdale repère un danger (létal comme un lion affamé ou non comme un contrôle de maths ou un conflit avec un camarade à la récré), alors l’amygdale provoque une réaction de stress : attaque, fuite ou paralysie.

Le troisième étage est l’étage du cerveau rationnel, celui qui réfléchit, prend des décisions, analyse, met en perspective, anticipe et fait preuve de logique.

étages du cerveau des enfants

Ce modèle permet de comprendre certaines réactions qui semblent irrationnelles (et à juste titre) des enfants. Quand ceux-ci sont sous stress, ils n’ont plus accès à leur cerveau rationnel. Tout se passe comme si leur réflexion était débranchée parce que l’escalier pour passer du rez de chaussée à l’étage est bloqué. Pour débloquer l’escalier, il faut reconnecter toutes les parties du cerveau, en commençant par le bas.

Le premier pas, face à un enfant désorganisé par le stress, est de redescendre à la cave en l’invitant à se concentrer sur sa respiration ou à bouger.

Le deuxième pas est de se connecter émotionnellement avec lui pour accéder au rez de chaussée. Cela passe par des mots qui valident les émotions (“tu as eu peur…”, “c’est vrai que c’est difficile de…” “tu as l’impression que…”), des gestes tendres, des regards chaleureux.

C’est seulement dans un troisième temps que l’enfant pourra à nouveau accéder à l’étage du cerveau rationnel. C’est à ce moment-là (et pas avant) qu’il est capable de répondre à des questions telles que “qu’est-ce qui s’est passé ?” ou “comment réparer ?”.

Pas de redirection des comportements sans connexion émotionnelle d’abord !

En prévention, il est possible de présenter le modèle des étages du cerveau aux enfants afin qu’ils comprennent comment leur cerveau fonctionne et comment se réguler. Aménager un espace de retour au calme à la maison ou en classe peut permettre aux enfants d’aller au bout de la démarche d’auto régulation.

Le conscient et l’inconscient travaillent de concert pour trier les images.

Notre cerveau est constamment bombardé d’informations sensorielles.

Loin d’être surchargé, le cerveau est un véritable expert dans la gestion de ce flux d’informations. Des chercheurs de Neurospin (CEA/Inserm) ont découvert comment le cerveau intègre et filtre l’information.

En combinant des techniques d’imagerie cérébrale à haute résolution temporelle et des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning), les neurobiologistes ont pu déterminer la séquence d’opérations neuronales qui permet au cerveau de sélectionner spécifiquement l’information pertinente.

La majeure partie de l’information est traitée et filtrée inconsciemment par notre cerveau. Au sein de ce flux, l’information pertinente est sélectionnée par une opération en trois étapes, et diffusée vers les régions associatives du cerveau afin d’être mémorisée.

Les chercheurs ont mesuré l’activité du cerveau de 15 participants, pendant que ces derniers devaient repérer une image « cible » dans un flux de 10 images par seconde . Les neurobiologistes ont ainsi pu observer trois opérations successives permettant aux participants de traiter et de trier le flux d’images :

► Même si une dizaine d’images est présentée chaque seconde, chacune de ces images est analysée par les aires sensorielles du cerveau pendant environ une demi-seconde. Ceci constitue une première phase de traitement automatique, inconscient et sans effort pour nous.
► Lorsqu’on demande aux participants de porter attention et de mémoriser une image en particulier, ce n’est pas uniquement l’image ‘cible’ qui est sélectionnée, mais toutes les images qui sont encore en cours de traitement dans les régions sensorielles. L’attention du sujet aura pour effet d’amplifier les réponses neuronales induites par ces images.
► La troisième phase de traitement correspond au rapport conscient du sujet. Seule l’une des images sélectionnées induit une réponse cérébrale prolongée et impliquant les régions pariétales et frontales. C’est cette image que le sujet indiquera avoir perçue.

« Dans cette étude, nous montrons que le cerveau humain est capable de traiter plusieurs images simultanément, et ce de manière inconsciente », explique le chercheur Sébastien Marti, qui signe cette étude avec Stanislas Dehaene, directeur de Neurospin (CEA/Inserm).

« L’attention booste l’activité neuronale et permet de sélectionner une image spécifique, pertinente pour la tâche que le sujet est en train d’accomplir. Seule cette image sera perçue consciemment par le sujet », poursuit le chercheur.
Assailli par un nombre toujours croissant d’informations, notre cerveau parvient ainsi, malgré tout, à gérer le surplus de données grâce à un filtrage automatique, sans effort, et un processus de sélection en trois phases.
Les avancées technologiques en imagerie cérébrale et dans les sciences de l’information ont donné un formidable coup d’accélérateur à la recherche en neuroscience, et cette étude en est un bel exemple.

Comment changer ses pensées négatives en pensées positives

Il y a une théorie selon laquelle, l’accumulation de « micro-moments de positivité » dans la journée peut au fil du temps, provoquer un bien-être plus général.

Notre capacité à générer des émotions positives de nos activités quotidiennes peut être déterminant. Ces brefs instants de sentiments positifs, en se répétant,  peuvent agir comme un tampon contre le stress et la dépression et, au final, favoriser la santé tant physique que mentale.

Cela ne veut pas dire qu’il faut toujours être positif pour être en bonne santé et heureux. De toute évidence, il y a des moments et des situations qui entraînent naturellement des sentiments négatifs, même pour les plus optimistes d’entre nous. L’inquiétude, la tristesse, la colère et autres soucis ont leur place dans une vie normale.

Mais l’affichage chronique du « verre à moitié vide » est préjudiciable à la fois mentalement et physiquement, cela inhibe nos capacités de réaction face aux contraintes inévitables de la vie.

Les sentiments négatifs activent une région du cerveau appelée l’amygdale, qui est impliqué notamment dans le traitement de la peur et de l’anxiété.

Il a été démontré que la capacité « plastique » du cerveau, est capable de générer de nouvelles cellules neuronales et de former de nouveaux circuits de réponses positives, avec de l’entraînement.

Autrement dit, une personne peut apprendre à être plus positive en pratiquant certaines compétences qui favorisent la positivité.

Apprendre à positiver avec la méditation

Par exemple, l’équipe du Dr Fredrickson a révélé que six semaines de formation à une technique de méditation portée sur la compassion et la gentillesse, ont donné lieu à une augmentation des émotions positives et d’appartenance sociale, ainsi qu’une amélioration des fonctions de l’un des principaux nerfs qui aident à contrôler la fréquence cardiaque.

La fréquence cardiaque varie alors davantage. D’apès Fredrickson, cela permet un meilleur contrôle de la glycémie, moins d’inflammation et une récupération plus rapide après un infarctus.

L’équipe du Dr Davidson a montré que deux semaines de formation à une méditation de compassion et de bonté, suffisent à générer des changements dans les circuits cérébraux liés à une augmentation des comportements sociaux positifs comme la générosité.

Pourquoi nous blâmons facilement les autres.

Une équipe américaine a identifié une zone du cerveau entrant particulièrement en jeu lorsque nous jugeons les actions d’autrui.

C’est un paradoxe : nous jugeons les autres rapidement pour leurs mauvaises actions et nous tenons prêts illico à leur faire des reproches.

À l’inverse, nous ne reconnaissons que lentement qu’ils ont entrepris une action positive !

Aider une personne à traverser la rue, commettre une infraction ou un délit : toutes les actions que nous réalisons sont jugées comme si elles étaient toujours empreintes d’intentions. Cette attitude moralisatrice, ancrée dans notre système social, juridique (lors d’un procès, la personne sera jugée non seulement sur les faits, mais aussi sur ses intentions) et politique, est au centre de nombreux débats philosophiques depuis une dizaine d’années.

Pourquoi adoptons-nous une telle démarche ? Est-ce le fruit de notre culture ou de notre système moral ? Pas seulement, répond une équipe de neurobiologistes de l’université de Duke, aux États-Unis. Elle a identifié une zone du cerveau entrant particulièrement en jeu dans nos capacités de jugement d’autrui, comme elle le rapporte dans son étude publiée dans la revue Scientific Reports

Un biais cognitif

Les chercheurs ont raconté aux participants quelques histoires impliquant l’intention et l’action de personnes. Par exemple, celle de ce chef d’entreprise, couramment utilisée dans le domaine de la philosophie expérimentale : « Le PDG savait que son projet nuirait à l’environnement, mais il ne s’en souciait guère. Il l’avait entrepris uniquement pour augmenter ses profits. Est-ce que le PDG nuit intentionnellement à l’environnement ? » 

Si vous répondez « oui », votre opinion rejoint celle de la majorité des individus.

Selon des études précédentes, 82 % de la population répond que l’action du PDG est délibérée. Et lorsque l’on raconte cette même histoire en remplaçant le mot « nuirait à » par « aiderait », seuls 23 % des personnes jugent les actions du PDG intentionnelles !

Là encore, les chercheurs de l’Université de Duke ont trouvé des résultats similaires dans leur propre étude. « Il n’y a aucune raison logique qui explique pourquoi nous jugeons une action volontaire simplement parce qu’elle entraîne un mauvais résultat, et involontaire dans le cas inverse »

L’amygdale en cause

À l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), ses collègues et lui ont observé que lorsque l’individu découvre l’histoire et juge que les actions des personnages impliqués méritent des reproches, son amygdale, une zone du cerveau fortement liée au contrôle des émotions (zone en rouge dans l’image ci-contre), s’active.

Mieux, plus il est affecté émotionnellement par l’histoire, plus cette région cérébrale est sollicitée. À l’inverse, elle est beaucoup moins active lorsque les actions sont jugées positives. Selon les chercheurs, cette différence est liée au fait que l’individu est plus rationnel lorsqu’il juge une action positive, et peut notamment estimer que celle-ci n’est peut être que le résultat d’autres actions intéressées.

Dans l’exemple de l’histoire mettant en scène le PDG et sa bonne action pour l’environnement (la deuxième version donc, lorsque l’on remplace « nuirait à » par « aiderait »), les participants ont probablement davantage pensé que, puisqu’un chef d’entreprise a généralement pour objectif de gagner de l’argent, aider l’environnement pouvait constituer un effet secondaire involontaire…

Lise Loumé